Larmes de feu
Ses rires sont des larmes
Qu’il cache comme un trésor
Et n’offre qu’à ceux choisis
Qui le comprennent un peu.
Ses larmes sont des rêves
De ceux qui ne rêveront plus,
Ses mains des voiles gonflées de sel
Pour ceux qui rentrent seuls au port.
Il a la voix blessée
De ceux qui ne parlent jamais.
Il est le cri muet
Des bouches étouffées
Par le bâillon du mépris.
Il est la main qui tend
Aux barreaux des prisons
Les clés d’une porte ouverte
Sur le ciel bleu de l’horizon.
Son regard qui fait fi
De la pluie, du beau temps,
Offre au cœur de glace
Les laves d’un volcan
Et aux corps privés d’eau
Les vagues de l’océan.
Certains le croient aveugle,
D’autres le disent sourd,
Mais il sait lire le braille
Des yeux de ceux qui ont pleuré
Et déchiffrer les lèvres
D’une bouche qui se tait.
Ses mots sont de corail
Et sa voix aussi douce
Que la caresse du vent
Devient quand il aime
Le vol d’une hirondelle
Qui n’ose pas encore
Annoncer le printemps.
Il hésite toujours
A choisir son chemin
Et ne porte jamais
A ses lèvres de feu
La coupe du destin.
Il est solide et lourd
Comme la pierre noircie
D’un château incendié.
Ses désirs sont les feux
D’une nuit de Saint-Jean,
Ses amours sont de marbre
Et se cachent dans une tombe
Où vivent des visages secrets
Qui ne fanent jamais
Et qui n’ont plus de nom.
Ses châteaux sont de sable
Et ne résistent pas au temps.
Ses amitiés sont d’or
Et tiennent sous le vent.
Il a la corne noire
Des taureaux de l’arène
Mais le pardon facile
Des mouchoirs de dentelle.
Il écrit en tremblant
Ce qu’il ne sait pas dire.
Son sourire est parfois un appel,
Son silence souvent un aveu,
Mais sa main caressant un visage
Est toujours un je t’aime silencieux.
Il sème sur son passage
Des mots de tendresse
Pour conjurer la mort
Qui toujours l’attend,
Parfois des mots d’amour
Pour croire que vit encore
Sa jeunesse de vingt ans.
Le silence est pour lui
Ce cri insupportable
D’un voyage qui s’achève
Dans un feu qui s’éteint,
D’un regard qui se tait
Et sépare deux mains.
Il écoute sans cesse
La pendule qui bat
Et use les ressorts
De son cœur d’enfant.
Il écrit comme il pleure
Mais ignore le sens
De ces mots de diamant
Que lui dictent ses rêves.
Le poète
Gaston Vaucher
La nuit te dénude
La terre ce soir enfante des promesses
La chaleur a blanchi le mur de l’horizon
Le soleil devient un chaud duvet de pêche
Et le vent de la mer chasse les nuages de plomb
Les jours expirent sur la terrasse des larmes de sel
Qui sculptent sur la pierre une rose de sable
Aux ailes du silence tes épaules se dévoilent
Et la nuit de velours peu à peu te dénude.
Gaston Vaucher